samedi 22 septembre 2018

Entrevue L'Archevêque (1955)



L’histoire vraie de la semaine… André L’Archevêque

Par Hélène Prezeau

Publié dans le fascicule ‘’Histoires Vraies’’ # 362

Édition Police Journal

Février 1955


Monsieur L’Archevêque vient d’entrer dans mon bureau. Il nous apporte ses dessins pour les éditions futures de ‘’Histoires Vraies‘’ car vous l’imaginez, notre travail est fait plusieurs semaines à l’avance tant pour la rédaction que pour l’illustration.

--- Savez-vous, lui dis-je, que trois de vos dessins publiés en page frontispice de nos ‘’Histoires Vraies’’ ont été choisis et primés et apparaissent dans le dernier numéro de ‘’Famous Artists Magazine’’

--- Oui madame. J’ai reçu la revue moi aussi. Ce matin je disais justement à ma femme, ‘’Ces dessins ont été faits il y a déjà six mois… Dommage’’ Je serais plus content si on publiait des travaux plus récents… il me semble qu’ils seraient meilleurs.

Voilà bien notre artiste… Jamais satisfait de son œuvre et qui ambitionne toujours mieux, ne mesquinant jamais sur le temps accordé à un dessin pour le présenter le plus près possible de la perfection.

Je repris

--- Moi je suis contente et je profite de l’occasion pour vous féliciter et vous présenter à nos lecteurs. Si je vous pose des questions trop indiscrètes, vous ne répondrez pas. Je commence par vous demander votre Âge… cela peut passer ?

--- Mais oui… J’ai 32 ans.

--- Et déjà une carrière? Y a-t-il longtemps que vous peignez?

--- Peindre?... je pourrais dire que je barbouille depuis toujours, car j’ai toujours aimé le dessin. Mais j’ai commencé à l’âge de quinze ans à prendre ça au sérieux.

--- Où avez-vous étudié?

--- Aux Beaux-arts, au Sir George Williams College of Arts à Montréal.

--- Et depuis combien de temps travaillez-vous pour Monsieur Lespérance, comme illustrateur?

--- Depuis sept ans. Mais je dois dire que monsieur Lespérance m’a donné une grosse chance au début en m’acceptant bien que je fus encore un novice dans l’art de l’illustration. Je lui en serai toujours reconnaissant car il m’a permis de gagner ma vie dans un domaine que j’aime. Quand je compare mon travail du début avec mes récents dessins, je puis constater moi-même le chemin parcouru. Il m’a fallu étudier toujours et sans cesse. Je suis encore des cours au ‘’Famous Artists School’’ dont les professeurs sont des artistes de renom et je ‘’fais encore des devoirs’’ tous les jours en plus de mes illustrations pour votre maison.

--- Combien de magazines illustrez-vous pour nos éditions?

--- Je fais les dessins pour la couverture des magazines ‘’L’Agent IXE-13’’, ‘’Domino Noir’’, ‘’Cow-Boy’’, Guy Verchères’’, ‘’Albert Brien’’, le ‘’Roman d’Amour’’ et ‘’Histoires Vraies’’, Je fais de plus deux dessins en ligne qui illustrent l’intérieur de cette dernière revue.

--- Cela vous fait neuf dessins par semaine? C’est un gros travail.

--- Et je dois lire les manuscrits en plus car je fais toujours l’illustration d’après une scène du roman. Je dois être dans l’action, le mouvement ou l’émotion de l’histoire pour donner ma mesure, je veux dire plus d’à propos à mon dessin.

--- Et le travail se fait facilement ensuite?

--- Oh! Non. Parfois, l’inspiration nait spontanément d’une scène racontée dans le manuscrit. Tout de suite, je vois mes personnages, je puis en esquisser une ébauche, mais parfois, je chercherai vainement l’inspiration, le sujet qui rendrait bien la vie des personnages et en même temps s’apparenterait au titre.  Et comme une belle fille trop farouche, l’inspiration ne veut pas se laisser prendre.

--- Ce sont les heures vides de l’artiste… L’écrivain connait aussi ces heures ou rien ne vient sous sa plume. Mais ensuite, viennent les heures fécondes… et tout va tous seul alors?

--- Pas toujours! Parfois, je ferai un dessin selon ma pensée première. Une fois le dessin terminé, je n’en suis pas satisfait, je le détruis et je recommence. Un autre jour, j’aurai la vision d’une scène suivante et mon pinceau aura des ailes, de la vie, de la réalité. Mais je dois quand même travailler de longues heures pour arriver à illustrer toute vos publications. Il me faut aussi une documentation extraordinaire. Je ne puis aller à l’aventure. Je veux des personnages plausibles, dans des attitudes plausibles, dans une atmosphère plausible. Je dois consulter souvent ces fiches… Alors l’esprit n’a plus de répit que la main.

--- Vous servez vous de modèles vivants?

--- Non, je fais surtout un travail d’imagination quoique parfois ma femme ou mes enfants me servent de modèles pour une attitude que je ne parviens pas à réussir à mon goût.

--- Avez-vous des préférences parmi nos publications?

--- Oui… et c’est ‘’Histoires Vraies’’. Pourtant, c’est la revue qui me demande le plus de concentration, le plus d’attention, et celle à laquelle je dois consacrer le plus d’heures et de labeur.

--- J’aime toutes vos illustrations mais naturellement, mes préférences sont pour ‘’Histoires Vraies’’. Je suis toujours contente de voir arriver tous vivants les personnages de nos histoires. Moi, j’ai lu les manuscrits, je les ai choisis, je les sais par cœur… et pourtant, quand vous me remettez vos dessins, je crois retrouver des êtres connus, et je ne vois pas mieux les héros dans ma pensée que sur vos dessins.

--- Cela me fait plaisir car vous savez, je ne suis jamais content de moi. Ma femme me dit parfois ‘’J’ai hâte que tu fasses un dessin dont tu seras satisfait.’’

--- Je crois que tous ceux qui ne veulent pas rester stationnaires recherchent comme vous, le mieux, afin d’atteindre la perfection. On devrait alors vous féliciter. Dites-moi, y a-t-il un évènement qui dans votre vie vous ait aidé à devenir ce que vous êtes?

--- J’ai d’abord cherché ma voie. La guerre vint ensuite et j’entrai dans l’aviation. Je ne pouvais guère me livrer à mon passe-temps favori. Puis un jour, à Vancouver, le ‘’Western Air Command’’ ouvrit un concours aux artistes sous les armes et je gagnai le premier prix. Cela m’encouragea beaucoup.

--- Et au sortir de l’armée?

--- C’est là que grâce à mes allocations militaires, je pus suivre des cours aux ‘’Beaux-Arts’’. Je choisis tout d’abord l’architecture mais cela me paraissait trop mécanique pour mes préférences. Une fois mes crédits épuisés, je dus travailler pour gagner ma vie. J’aidais mon père qui était alors distributeur de journaux et revue y compris ceux édités par monsieur Edgar Lespérance. Je travaillais fort et tard… mais le soir, je dessinais pour mon plaisir et je me mis en tête de faire des illustrations pour les magazines de monsieur Lespérance. Voilà… le destin m’attendait là.

--- Avez-vous un conseil à donner aux jeunes?

--- Qu’ils gardent leurs yeux fixés sur leur ambition… qu’ils travaillent sans cesse et ils finiront par réussir. Chacun à son heure.

Monsieur L’Archevêque demeure à Oka. Sa femme Lucille est une très charmante femme dont on reconnait parfois les traits dans les dessins de monsieur L’Archevêque. Il est aussi le père de trois fillettes qui sont trois bijoux d’enfants.

FIN

Texte gracieuseté de François Hébert

Photo gracieuseté d’André l'Archevêque

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